Historiquement, la chromatographie liquide analytique sur colonnes a connu ses théorisations et ses développements fondamentaux entre les années 1930 et 1960. Le prix Nobel de chimie attribué à Martin et Synge pour leurs travaux fondamentaux sur la chromatographie date de 1952 (discours de Tiselius pour la réception du Nobel à https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/chemistry/laureates/1952/press.html. Historiquement les phases stationnaires étaient polaires : alumine, cellulose et eau fixée du papier buvard, silice et les phases mobiles utilisées constituées avec des solvants plutôt apolaires (hexane, acétate d'éthyle ...). Ces chromatographies sur phases stationnaires polaires ont ainsi pris le nom de "en phase normale" quand sont apparues des phases stationnaires (greffées) apolaires associées à des solvants d'élution plutôt polaires qui ont donné le vocabulaire "chromatographie en phase inversée" (reversed phase).
L'adsorbant polaire pour la chromato. analytique est la silice. L'alumine est un autre adsorbant polaire encore parfois utilisé mais essentiellement à des fins préparatives. Les billes de gels de silice vont proposer des groupements -OH de surface très polaires. Ainsi la silice possède une forte capacité d'adsorption des molécules présentant des groupements polaires.
On pratique classiquement ce type de chromatographie avec des phases mobiles mettant en oeuvre des solvants organiques plutôt apolaires pour séparer des analytes solubles dans de tels solvants (donc des composés pas toujours très solubles dans l'eau). La phase mobile est donc apolaire en comparaison de la phase stationnaire. Plus un analyte est polaire, plus il est retenu. Plus la phase mobile sera rendu polaire (par exemple lors d'un gradient d'élution) plus elle sera éluante.
Voici par exemple une série de substances utilisables dans une phase mobile
dans leur ordre de polarité croissante et donc de pouvoir éluant croissant :
Du plus apolaire (peu éluant sur adorbant polaire) : cyclohexane / toluène / acétate d'éthyle / acétonitrile : au plus polaire
(fortement éluant sur adsorbant polaire).
La chimie des greffages covalents de groupements fonctionnels en surface des gels de silice a permis la création d'un panel de phases stationnaires très variées. Les groupements greffés de type "fluide apolaire" se sont très très largement imposés pour la plupart des séparations d'analytes hydrosolubles. Ces phases apolaires ont été qualifiées de phases inversées (reverse phases en anglais). Le motif le plus célèbre est le greffage C18 (chaîne aliphatique à 18 carbones, octadécylsilyle, dénomination ODS sur les emballages des colonnes).
Sur ce type de phases greffées de motifs fluide, la chromatographie est qualifiée de chromatographie de partition (nomenclature anglosaxone IUPAC) , une référence à l'analogie avec les partages différentiels de solutés différents entre 2 solvants non miscibles (l'analogie n'est pas totale puisque le motif greffée n'est plus dans un état de liquide vrai). Le mot anglais partition peut se traduire par partage, mais partition est aussi un mot français (qui a perdu ce sens initial de partage). Et ainsi, en français, on trouve les appellations chromatographie de partition ou chromatographie de partage.
Avec les phases greffées apolaires, on utilise des phases mobiles de départ polaires (classiquement des mélanges de type eau/acétonitrile) et on peut réaliser des élutions en mode gradient en rendant la phase mobile de plus en plus éluante en diminuant sa polarité. Plus un analyte est apolaire, plus il est retenu. Plus la phase mobile sera rendu apolaire (par exemple lors d'un gradient d'élution) plus elle sera éluante.
Le fluide greffé est un motif présentant une forte polarité. Exemple : les phases fonctionnalisées par le greffage -(Ch2)3-C≡N qui propose le groupement cyano polaire.
La chromatographie sera une chromatographie de partition sur phase stationnaire polaire (phase normale). Plus un analyte est polaire, plus il est retenu. Plus la phase mobile sera rendu polaire (par exemple lors d'un gradient d'élution) plus elle sera éluante.
Note : une image de séparation HILIC par https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3249561/figure/Fig3/
Il faut souvent régler le pH des phases mobiles :
- si on travaille sur adsorbant silice, dès pH >3, il y a une proportion non négligeable de groupements silanols déprotonés (≡ Si-O-)
qui peuvent déclencher des processus d'échanges de cations... Attention aux analytes à la polarité ou la charge sensibles au pH...
- cas des analytes portant des groupements à la polarité ou la charge sensibles au pH : fonctions -COOH, -NH2 ...
Lors de séparations qui doivent résoudre des analytes présentant une large gamme de polarités, il peut être impossible de trouver une phase mobile convenable : trop éluante pour séparer les premières molécules sortiesou pas assez éluantes et les molécules très retardées présentent ddes pics trop élargis et l'analyse devient très longue. Le mode gradient permet de résoudre ce problème : on modifie la composition de la phase mobile en cours d'analyse, depuis peu éluante au départ (pour résoudre les molécules peu retenues) à de plus en plus éluante (pour accélérer la sortie des molécules très retenues).
Voici un exemple (un peu théorique ...) dans le cadre d'une LC en phase inversée sur phase C18 :
Ce qui est présenté ci-dessus est valable dans son principe pour les analyses en phase normale. Lors de l'application d'un gradient on partira d'une phase mobile peu éluante qui sera rendue de plus en plus éluante. Avec les phases normales, rendre plus éluante une phase mobile c'est augmenter son caractère polaire.