Voici une définition du terme activité enzymatique selon la
recommandation IUPAC/IFCC de 1995 :
"property of a component measured by its catalyzed amount-of-substance rate of
conversion of a specified chemical reaction, in a specified measuring
system."
Après traduction : "propriété d'un composé mesurée par la quantité de substance
catalysée par unité de temps lors d'une réaction chimique spécifiée et dans des
conditions opérationnelles spécifiées".
IUPAC = International Union of Pure and Applied Chemistry, IFCC = International Federation of Clinical Chemistry
Voici une autre définition (IUBMB, 1981) cohérente avec
celle ci-dessus : The catalytic activity of an enzyme is the property measured
by the increase in the rate of conversion (i.e. the rate of reaction multiplied
by the volume [...]) of a specified chemical reaction that the enzyme produces
in a specified assay system. This is an extensive quantity [...]". Soit après
traduction :
"L'activité catalytique d'une enzyme est la propriété mesurée par
l'accroissement du taux de conversion (i.e. la vitesse de la
réaction multipliée par le volume) d'une réaction chimique donnée catalysée par
l'enzyme lors d'un essai cinétique réalisé dans des conditions bien définies.
C'est une grandeur extensive."
IUBMB = International Union of Biochemistry and Molecular Biology
Ces définitions ont pour fondement le fait que dans un système réactionnel défini, standardisé (nature des substrats, concentration des substrats, nature et concentrations des constituants du tampon réactionnel, température ...), pour une enzyme sous une forme unique native, la quantité de matière convertie par unité de temps est proportionnelle à la quantité d'enzyme native présente dans le milieu réactionnel. Mesurer la quantité de matière convertie par unité de temps dans le standard réactionnel (ce qu'on appelle activité catalytique) revient donc à mesurer la quantité d'enzyme native (active) présente. Pour le dire avec un exemple : si je mesure 4 µmol de substrat S transformé par minute, je peux dire que j'ai mis 2 fois plus d'enzyme dans le milieu réactionnel que quand je mesure 2 µmol/min.
L'activité catalytique mesure une enzyme par le biais de son aptitude catalytique, elle ne "voit" que l'enzyme active, elle ne "voit pas" l'enzyme inactivée ou dénaturée (contrairement à ce que pourrait faire une mesure à l'aide d'un anticorps spécifique par exemple).
Supposons une réaction a A + b B ----> p P + q Q catalysée par une enzyme Ez.
Et pour ne pas s'embêter avec des coefficients de stoechiométrie presque toujours à 1 avec les réactions enzymatiques et qui n'apporterons rien à la démonstration qui suit, supposons la réaction A + B -----> P + Q catalysée par une enzyme Ez.
Soit un milieu réactionnel, à une température donnée (symbole θ), avec des concentrations [A] et [B] en A et B et une concentration [E0] en enzyme Ez. Avec évidemment [A] et [B] >>> [E0] afin d'avoir une période de vitesse initiale quasi-constante (vi). Soit $ désignant la composition qualitative et quantitative du tampon de réaction.
On a les propriétés fondamentales suivantes en période de vitesse initiale vi : \( v_i= - \frac {\Delta[A]} {\Delta t} = - \frac {\Delta[B]} {\Delta t} = \frac {\Delta[P]} {\Delta t} = \frac {\Delta[Q]} {\Delta t} \) \( v_i = [E_0] \cdot f([A],[B],pH,\Theta,\$) \) |
C'est à dire que toutes choses égales par ailleurs, la vitesse initiale de réaction est proportionnelle à la concentration en enzyme (actif) dans le milieu réactionnel. Et ceci est vrai pour toutes les enzymes. |
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Mais alors, en multipliant Vi par le volume de milieu réactionnel Vmr, on obtient la vitesse initiale de conversion (la vitesse en quantité par unité de temps): \( v_i \cdot V_{mr}= - \frac {\Delta[A] \cdot V_{mr}} {\Delta t} = \frac {\Delta[P] \cdot V_{mr}} {\Delta t} \) \( v_i \cdot V_{mr}= [E_0] \cdot V_{mr} \cdot f([A],[B],pH,\Theta,\$) \) Donc vitesse de conversion = \( [E_0] \cdot V_{mr} \cdot f([A],[B],pH,\Theta,\$) \) Soit : vitesse de conversion = \( qtéE_0 \cdot f([A],[B],pH,\Theta,\$) \) |
Où la vitesse de conversion s'exprime comme il se doit en quantité de matière catalysée par unité de temps (= vitesse * volume de milieu réactionnel)
C'est à dire que toutes choses égales par ailleurs, la vitesse de conversion (c'est à dire la quantité de chaque matière convertie par unité de temps et rapportée à la stoechiométrie de réaction) est proportionnelle à la quantité d'enzyme Ez (actif) dans le milieu réactionnel. Et ceci est vrai pour toutes les enzymes. |
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Conclusion : Si on fixe la valeur de f([A],[B],pH,θ,$) en
standardisant les conditions de la mesure de vitesse initiale avec
l'enzyme Ez, alors, la quantité de A,B,P ou Q convertie par unité de
temps est proportionnelle
à la quantité d'enzyme Ez (actif) dans le milieu réactionnel ! Ainsi, par exemple, si un volume donné d'un échantillon d'Ez transforme 4 µmol/min dans le standard, je peux dire qu'il y a 2 fois plus d'enzyme (en quantité de matière) dans ce volume échantillon échantillon que dans un échantillon qui donnerait une conversion de 2 µmol/min dans le même standard ! |
On comprend ainsi l'intérêt du concept d'activité catalytique appliqué au dosage de solutions d'enzymes (actives) : l'activité catalytique, une quantité de matière convertie par unité de temps dans un standard réactionnel strictement spécifié, est proportionnelle à la quantité d'enzyme native présente dans le milieu réactionnel (valable pour un milieu contenant une forme unique de l'enzyme ciblée).
Remarque : la démonstration ci-dessus a intégré la stoechiométrie réactionnelle, ce qui est rigoureux. Mais en pratique, comme l'immense majorité des réactions enzymatiques proposent des stoechiométries de valeur unique 1, ce paramètre peut tout simplement être ignoré.
Le symbole recommandé pour désigner une activité catalytique est z.
L'unité conforme au système international d'unités et reconnue par la conférence générale des poids et mesures est le katal (symbole kat). 1 katal correspond à une conversion à 1 mole par seconde dans le standard de mesure.
Néanmoins d'autres unités sont très utilisées. Il s'agit, évidemment, toujours du rapport entre une quantité de matière et une durée. La µmol/min (symbole U pour unité...) est très utilisée et le restera encore certainement longtemps.
La "biologie clinique" utilise le katal de façon internationale et systématique et elle a bien raison ! Mais ce n'est pas le cas dans de nombreux autres domaines de la biologie. Ainsi l'utilisation du katal reste-t-elle très absente dans les biotechnologies et la commercialisation des enzymes. De plus, il est aisé de comprendre que l'utilisation du katal demeure difficile avec les enzymes de la biologie moléculaire. Ainsi, par exemple, l'unité d'activité catalytique (U) de l'enzyme de restriction EcoR1 est définie par l'hydrolyse totale de 1 ng d'ADN de phage lambda non méthylé en 1 heure à 25°C dans le standard réactionnel de 50 µL. Je pense qu'on achètera et qu'on travaillera encore de longues années avec des unités EcoR1 même si, connaissant la masse moléculaire exacte du génome du phage lambda et le nombre de sites de restriction pour EcoR1, on pourrait évidemment convertir l'unité U en katal ... On se doit d'espérer.
A partir de l'activité catalytique z on définit logiquement :
• la concentration en activité catalytique (b) : quotient de
lactivité catalytique mesurée (z) par le volume de préparation enzymatique (E)
présent dans le système dessai. b=z/E. On trouve régulièrement les
appellations cat.c ou cat.conc. ;
• l'activité (catalytique) spécifique (Zsp) : quotient
de lactivité catalytique mesurée par la masse de protéines (mprot)
présente dans le système dessai. Mais aussi quotient entre la concentration en
activité catalytique et la concentration en protéines totales
(ρprot)du sytème enzymatique essai. Zsp =
z/mprot = b/ρprot ;
• l'activité catalytique molaire zm : quotient de
lactivité catalytique par la quantité de matière enzyme exprimée en mol
(nez) présente dans le système dessai. zm =
z/nez = b/cez. Où cez est la concentration
molaire en enzyme.
Certaines enzymes sont dosées en biologie médicale comme marqueurs pour le diagnostique et le suivi de différentes pathologies : phosphatase alcaline, phosphatase acide, alanine aminotransférase, aspartate aminotransférase, isoenzymes créatine kinase, isoenzymes de la lactate déshydrogénase...La présence de concentrations élevées, donc d'une concentration en activité enzymatique élevée, dans le sang traduit une souffrance ou une mortalité cellulaire plus ou moins spécifique.
Les organismes nationaux et internationaux de biologie médicale ont réalisé des progrès considérables en matière de standardisation ces dernières années. Désormais des standards primaires de référence pour les mesures d'activités enzymatiques intéressant la biologie médicale sont disponaibles. Ces standards primaires sont internationnalement reconnus. Le katal (l'unité SI d'activité) est la seule unité reconnue. Il est ainsi enfin possible de disposer d'étalons et de comparer les résultats au niveau mondial (sans standard reconnu par tous, les comparaisons entre résultats issus de différents laboratoires et les relations avec des données cliniques sont impossibles).
La température standardisée des mesures de concentrations en activité enzymatique pour la biologie médicale a été fixée à 37°C pour toutes les enzymes concernées (IFCC, International Federation of Clinical Chemistry, 1998): une température qui présente l'avantage technique de l'unification qui conduit à des vitesses de réaction élevées sans trop de problèmes de dénaturation thermique en cours d'analyse et qui est techniquement assez simple à réaliser partout sur la planète.
La notion d'optimisation des standards signifie que les comités de
standardisation des méthodes se sont attachés à la mise au point de conditions
opératoires permettant de travailler dans les meilleures conditions possibles
:
• Voir ci-dessus le choix d'une température universelle pour tous les
mesurages enzymatiques de biologie médicale.
• Contrainte de stabilité thermique à 0,1°C près afin d'obtenir une
incertitude suffisante sur les mesures compte tenu des énergies d'activation
classiques des réactions catalysées ; • Standards mettant si possible en
oeuvre des mesures en situations de Vmax, c'est à dire à saturation par les
substrats, afin d'éviter les variations de vitesse qui seraient liées à la
variabilité expérimentale sur les concentrations dans les milieux réactionnels.
Attention, il n'est pas toujours possible d'être à saturation : problèmes de
solubilités, de coûts exhorbitants, d'inhibitions par concentrations trop
élevées ...
• Standards en présence des activateurs et coenzymes éventuellement
nécessaires afin de se placer dans des conditions où toutes les molécules
enzymatiques natives présentes proposent la même capacité catalytique : la
mesure d'activité catalytique doit représenter la quantité d'enzyme présente
!
Dans le domaine des biotechnologies, l'utilisation du katal et la standardisation internationale ne sont pas vraiment des objectifs rééls. Voici quelques exemples.
Vous avez décidé d'acheter de la β-fructosidase de Saccharomyces cerevisiae. Vous décidez de comparer les tarifs : combien va vous coûter l'unité d'activité catalytique. Et bien, vous ne trouverez pas de katal dans les catalogues mais une unité d'activité définie par 1 µmol catalysée par minute (un grand classique). Et là où tout deviendra compliqué c'est que le standard qui a permis de mesurer les activités sera le plus souvent donné pour une température de 55°C et parfois pour une température de 25°C !!! Si vous ne connaissez pas l'énergie d'activation de la réaction catalysée, où si vous n'avez pas testé vous-même l'accroissement de vitesse lié à une augmentation de température de 30°C, vous ne pouvez plus vraiment comparer. Dommage ....
Comme on l'a déjà vu ci-dessus, ce n'est pas demain que les enzymes de restriction seront commercialisée en katals ! Même chose pour les "taq polymérases" et autres polymérases connexes. L'unité ADN polymérase est définie (chez tous les revendeurs) par l'incorporation de 10 mmoles de dNTP en 30 minutes dans un test sous volume de 50 µL. Toujours pas de katal ... Et évidemment chaque fabricant le fait avec son tampon bien à lui (ce qui est normal, y'aura qu'à suivre ces données là), son ADN source à lui (ADN de saumon, de phage M13mp9, de thymus de veau ...), ses amorces à lui, la température qui lui va bien (72°C, 74°C, 75°C ...). Pour information la mesure d'incorporation des dNTP est suivie par mesure d'incorporation de dCTP marqué au phosphore 32 dans la fraction ADN précipitable à l'acide trichloracétique.
Et un dernier exemple édifiant. Vous achetez du lyzozyme car vous avez des parois de bactéries à hydrolyser (le lysozyme hydrolyse la liaison β1,4 entre l'acide acétylmuramique et la N-acétyl-glucosamine du peptidoglycane). Voici la définition standardisée de l'unité d'activité catalytique des catalogues commerciaux et des articles. Une unité déclenche une diminution d'absorbance à 450 nm de 0,001 par minute à pH 6.24 et à 25 °C en utilisant une suspension de Micrococcus lysodeikticus standardisée comme substrat, dans un milieu réactionnel de 2.6 mL (1 cm de trajet optique). On est loin du katal qui correspondrait à une mol de liaisons osidiques hydrolysées par secondes...Mais bon, un standard reste efficace en ce qu'il permet les comparaisons et c'est ce qu'on va lui demander !
Dans de nombreux écrits scientifiques (y compris dans les meilleures revues et sous la plume des meilleurs auteurs), le terme "activité catalytique" (ou son synonyme "activité enzymatique") est employé selon différents sens. Parfois au sens de vitesse initiale de réaction, parfois au sens de capacité catalytique de l'enzyme mesurée dans tel ou tel contexte puis donnant lieu à des comparaisons diverses... On va ainsi se trouver confronté à un emploi qui ne désigne pas une mesure d'activité catalytique comme mesure standardisée afin d'évaluer une grandeur extensive de quantité d'enzyme. Au lecteur de lire intelligemment et de comprendre le contexte. Contexte qui est toujours très clair dans les (bonnes) publications scientifiques.