Production de protéines recombinées hétérologues sous contrôle du promoteur AOX1 avec une souche Pichia pastoris

Un exemple pratique commenté : production intracellulaire d'une protéine du virus de l'hépatite B, l'antigène de surface dit HBsAg

1. Le contexte

D'après Chandrasekhar Gurramkonda et al. “Simple high-cell density fed-batch technique for high-level recombinant protein production with Pichia pastoris: Application to intracellular production of Hepatitis B surface antigen.” Microbial cell factories vol. 8 13. 10 Feb. 2009, doi:10.1186/1475-2859-8-13.

C'est un exemple qui montre bien comment chaque production de protéine recombinée impose des stratégies au "cas par cas". Schématiquement. Il s'agit de produire la protéine HBsAg dans un objectif de vaccin. Or HBsAg est une protéine très hydrophobe (non hydrosoluble !). Ainsi, elle est quasi impossible à produire comme protéine sécrétée, d'où le choix d'une production intracellulaire. De plus, la forme vaccinale des HBsAg est une forme soluble dite en "vesicle-like particle" qui consiste en un assemblage particulaire conformationnel de plusieurs HBsAg. L'expression intracellulaire obtenue doit donc être compatible avec un procédé d'extraction qui doit permettre la formation "correcte" des fameuses vésicules solubles d'HBsAg à pouvoir vaccinal.

Note : détails disponibles par Chandrasekhar Gurramkondaa et al. "Purification of hepatitis B surface antigen virus-like particles from recombinant Pichia pastoris and in vivo analysis oftheir immunogenic properties. Journal of Chromatography B, 940 (2013) 104– 111.


2. la souche Pichia recombinée productrice

Pour aller à l'essentiel. Pichia pastoris est une levure aérobie stricte à cycle haploïde/diploïde homothallique. L'état haploïde est l'état commun. Les souches Pichia pastoris sauvages haploïdes possèdent 2 gènes codant chacun une "alcool oxydase" (AOX1 et AOX2). Chacun des gènes est sous le contrôle d'un promoteur (pAOX1 et pAOX2) réprimé par le glucose ou le glycérol et induit par le méthanol. En présence de méthanol et absence de glucose ou glycérol, grâce aux alcool oxydases exprimées, les souches utilisent le méthanol comme source de carbone te d'énergie (méthylotrophie, et c'est AOX1 qui fait l'essentiel du job).

Dans l'étude de cas proposée, une souche Pichia pastoris recombinée a été créée. Elle se caractérise par :

Ainsi la souche ne possède plus que la seule alcool oxydase AOX2 sous le contrôle de pAOX2. Ceci lui permet d'être toujours méthylotrophe mais de façon très lente par rapport au profil sauvage (la littérature appelle ces souches Muts, Methanol utilization slow). Et la souche pourra exprimer HBsAg par induction au méthanol sous le contrôle de pAOX1.

Note : détails sur la construction dans l'article de Ana Vassileva et al. "Effect of Copy Number on the Expression Levels of Hepatitis B Surface Antigen in the Methylotrophic Yeast Pichia pastoris". Protein Expression and Purification 21, 71–80 (2001) doi:10.1006/prep.2000.1335.


3. Le process retenu (en fermenteur de laboratoire de 15L)

En résumé.

Note : tous les détails et la composition du milieu sont dans l'article de Chandrasekhar Gurramkonda et al. “Simple high-cell density fed-batch technique for high-level recombinant protein production with Pichia pastoris: Application to intracellular production of Hepatitis B surface antigen.” Microbial cell factories vol. 8 13. 10 Feb. 2009, doi:10.1186/1475-2859-8-13. https://microbialcellfactories.biomedcentral.com/articles/10.1186/1475-2859-8-13.


4. Suivi de production et analyse

suivi de prod HBsAg

 

On peut s'amuser à quelques calculs.

En phase de batch sur le glycérol. Au temps zéro, la concentration en glycérol du milieu inoculé est à 95g/L et on atteint son épuisement vers la 26° heure de culture. L'article annonce une biomasse sèche de départ à 0,2 g/L et à la fin de la phase de batch, on est vers 60g/L de biomasse sèche. On a donc un rendement de conversion du glycérol en biomasse de YX/glycérol = (60-0,2)/(95-0)= 0,63 g de biomasse sèche par g de glycérol consommé. C'est une valeur classique.

En phase de batch sur le glycérol. La croissance est quasi exponentielle sur toute la durée (allure en droite de Ln(OD)=f(t) sur les 26 heures sur glycérol). En lisant le graphe, au temps zéro, Ln(OD)=-1,5O. Au temps 26h, Ln(OD)=5. D'où une évaluation de la la vitesse spécifique de croissance exponentielle à (5-(-1,5)/(26-0)=0,25h-1. Soit un temps de génération G=Ln(2)/µexpo=Ln(2)/0,25=2,8h. Une valeur assez classique.

Et pour finir, on peut calculer la productivité volumique horaire du bioréacteur (PVH bioréacteur) en HBsAg solubles (la forme soluble vésiculaire d'intérêt). Le process ne donne plus d'amélioration en HBsAg solubles récupérables au delà de 120h. Ce serait donc le moment d'arrêter dans un objectif de production, avec PVH bioréacteur = 2,3/120 = 0,02 g.L-1h-1.
Si on savait convertir la production totale de HBsAg en HBsAg solubles, on pourrait atteindre une PVH bioréacteur d'environ 6,5/140 = 0,045 g.L-1h-1.



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