Vocabulaire : inhibiteurs (chimiques) réversibles et irréversibles, effecteurs, activateurs

Note importante. Dans ce chapitre l'idée était d'utiliser une nomenclature claire et reconnue, celle de l'IUBMB (International Union of Biochemistry and Molecular Biology). Malheureusement, la seule nomenclature officielle figure dans "Nomenclature Committee of the International Union of Biochemistry (NC-IUB), Symbolism and Terminology in Enzyme Kinetics, Recommendation 1981" (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1152169/ ) et est très ancienne et critiquée et incomplète. Et c'est donc un peu la confusion. Des articles, si possible récents, qui essaient d'améliorer la situation ont été utilisés dans ces pages notamment le commentaire 2014 de Athel Cornish-Bowden ; "Current IUBMB recommendations on enzyme nomenclature and kinetics ; Perspectives in Science (2014) 1, 74-87" (https://cyberleninka.org/article/n/476300/viewer). J'ai beaucoup utilisé l'ouvrage "A. Cornish-Bowden, Fundamentals of enzyme kinetics, 4th Edition, 2012, Wiley-VCH Verlag & Co." et les données de nomenclature du Goldbook IUPAC (https://goldbook.iupac.org/).

1.1 Définitions : effecteurs, activateurs, inhibiteurs

En accord avec la nomenclature IUPAC, (https://goldbook.iupac.org/) on peut dire :

Un inhibiteur est une substance qui n'est ni le catalyseur ni le(s) substrats et qui diminue la vitesse d'une réaction chimique et le processus est appelé inhibition . Dans une réaction catalysée par enzyme, si l'effet d'inhibition fait suite à la liaison de l'inhibiteur à l'enzyme, l'inhibiteur est qualifié d'inhibiteur d'enzyme.

Un activateur est une substance qui n'est ni le catalyseur ni le(s) substrats et qui augmente la vitesse d'une réaction chimique catalysée et le processus est appelé activation . Dans une réaction catalysée par enzyme, si l'effet d'activation fait suite à la liaison de l'activateur à l'enzyme, l'activateur est qualifié d'activateur d'enzyme.

On peut aussi proposer :

Les termes effecteur d'enzyme ou modifieur d'enzyme (enzyme modifier en anglais) sont utilisés pour qualifier des substances qui qui ne sont ni le catalyseur ni le(s) substrats et interagissent avec l'enzyme avec pour conséquence une hausse ou une diminution de vitesse. Ainsi les inhibiteurs d'enzymes et les activateurs d'enzyme sont des effecteurs d'enzymes. Le terme modifieur est généralement utilisé uniquement dans le contexte d'études artificielles in vitro.

Remarque importante. Dans le "Gold Book de l'IUPAC", la notion d'effecteur d'enzyme est définie en relation directe avec la notion de modulateur allostérique. Traduction du Gold Book à "effector" : une petite molécule qui augmente (activateur) ou diminue (inhibiteur) l'activité d'une protéine (allostérique) par liaison à la protéine au niveau d'un site de régulation (qui est différent du site catalytique liant le substrat). (A small molecule which increases (activator ) or decreases (inhibitor) the activity of an (allosteric) protein by binding to the protein at the regulatory site (which is different from the substrate-binding catalytic site). Cette définition assez restrictive est traitée dans le chapitre "enzymes allostériques" : http://www.perrin33.com/enzym/allosterie_1.php.

Exemple 1.

la fumarate hydratase catalyse l'addition d'eau sur la double liaison du fumarate qui est ainsi converti en malate. Le maléate chimiquement très proche du fumarate est reconnu au site actif de l'enzyme, peut s'y lier (perturbant ainsi la liaison du fumarate) mais n'est pas converti. Pouvant occuper le site actif à la place du substrat en un complexe non productif, il se comporte en inhibiteur d'enzyme.

maléate

Exemple 2.

Le N-ethylmaléimide est une substance chimique qui s'additionne de façon covalente aux fonctions thiols des résidus cystéyls et se comporte ainsi souvent en inhibiteur de nombreuses enzymes à cystéines comme l'hexokinase, la papaine, la succinate deshydrogénase ...

N-ethylmaleimide

Exemple 3.

l'EDTA est un complexant bien connu des cations métalliques. Ainsi il peut être utilisé pour réaliser l'inhibition de réactions catalysées par des enzymes à magnésium ou calcium. L'EDTA complexe les cations métalliques et prive ainsi la totalité ou une certaine portion des enzymes de cations et donc d'activité. On a bien une effet d'inhibition (ça va moins vite), l'EDTA est donc un inhibiteur des réactions à enzymes à magnésium ou calcium. Mais en toute rigueur l'EDTA ne peut pas être qualifié "d'inhibiteur d'enzyme" car il ne se lie pas à l'enzyme (c'est là où le vocabulaire devient un peu fumeux...).

Exemple 4.

La cathépsine C (une protéase des lysozomes) est activée par les ions chlorures. Chaque enzyme doit posséder un chlorure lié pour pouvoir lier son substrat (la constante catalytique est indépendante du chlorure lié, mais pas le Km !).

Exemple 5.

L'enzyme aspartate transcarbamylase (ATCase) qui catalyse la première réaction de la voie de biosynthèse qui conduit aux nucléotides pyrimidiques est inhibée par le CTP et l'UTP en synergie (les 2 produits terminaux de la voie métabolique) et activée en synergie par l'ATP et le GTP (les produits de la voie métabolique parallèle de synthèse des nucléotides puriques). Ces effecteurs agissent en se liant aux sites spécifiques de régulation de l'enzyme.

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1.2 Inhibitions (chimiques) réversibles

Par définition un inhibiteur d'enzyme ralentit la vitesse de réaction. L'inhibition est dite réversible quand l'effet d'inhibition est annulable par dialyse (par dialyse et déplacement d'équilibre, on va pouvoir "enlever" l'inhibiteur de l'enzyme).

En général, en inhibition réversible, l'inhibiteur se lie à l'enzyme par des interactions faibles et il existe un équilibre de liaison/départ. Mais il existe des inhibitions réversibles avec liaison covalente de l'inhibiteur à l'enzyme. Il suffit qu'il existe un équilibre dynamique inhibiteur lié / inhibiteur libre.

Si un inhibiteur réversible agit sur une enzyme à comportement michaélien qui conserve un comportement michaelien en présence de l'inhibiteur, on peut le qualifier d'inhibiteur réversible michaélien.

Si on travaille avec une enzyme allostérique, on va se trouver confronté à des inhibiteurs réversibles allostériques. la situation est plus complexe, elle est traitée au chapitre "enzymes allostériques" : http://www.perrin33.com/enzym/allosterie_1.php.

1.3 Inhibitions (chimique) irréversibles, inactivations chimiques

En accord avec la nomenclature IUB 1981 :

Les inhibiteurs irréversibles se fixent à l'enzyme de telle sorte que le décrochage spontané de l'inhibiteur est quasi inexistant (donc on ne peut l'éliminer par dialyse). En pratique cela concerne le plus souvent les inhibiteurs qui se fixent de façon covalente stable à l'enzyme. Plus rarement, on peut trouver des inhibitions irréversibles dans le cas d'interactions non covalentes mais à constante d'association telle que le décrochage spontané de l'inhibiteur est quasi inexistant (donc on ne peut pas l'éliminer par dialyse).

Note. On voit évidemment que la distinction réversible irréversible n'est pas absolue si le décrochage de l'inhibiteur est très très très lent ...

Une inhibition chimique irréversible peut être qualifiée d'inactivation chimique et l'inhibition irréversible est donc une catégorie d'inactivation d'enzyme. Il existe d'autres types d'inactivations des enzymes : par les conditions dénaturantes comme les températures trop élevées, les pH extrêmes.

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