Par définition les inhibiteurs réversibles michaéliens se lient au niveau du site actif et inhibent de façon réversible en conservant à la cinétique son allure michaélienne. Classiquement on distingue les inhibitions compétitives, incompétitives et mixtes.
Un inhibiteur compétitif dégrade le Km (il est augmenté) mais ne modifie pas k0.
Remarque. Il existe d'autres "schémas" de l'inhibition compétitive que celui présenté. Voir par exemple http://biochimej.univ-angers.fr/Page2/COURS/4EnzymologieLicence/3CoursINHIBITEURS/2FIGURES/1InhibCOMPETITIVE/1COMPET.htm. Mais ils montrent toujours un effet d'exclusivité : c'est S ou I lié à l'enzyme, pas les deux.
Soit k0 et Km la constante catalytique et la constante de Michaelis en absence de l'inhibiteur.
Avec un inhibiteur compétitif à effet dit linéaire, on montre que :
\( v_{i} = k_{0} [E_{0}] \cfrac{[S]}{K_{m} \left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)+[S]} \)Ou KI est la constante de dissociation du complexe EI.
Ainsi on voit bien que le coefficient de Michaelis apparent est augmenté (donc moins bon), devenant \( K_{m} \left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right) \)
alors que que Vmax = k0 (E0) n'est pas impacté (même si la saturation sera plus difficile à obtenir).
En double inverse, on obtient l'équation :
\( \cfrac{1}{v_{i}} = \cfrac{K_{m}}{V_{max}} \left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right) \cfrac{1}{[S]}+\cfrac{1}{V_{max}} \)----------------------------------------------
D'une manière générale on trouvera comme inhibiteurs compétitifs d'une réaction enzyme substrat un certain nombre de molécules analogues structuraux de ce substrat. On peut reprendre ici l'exemple donné dans le paragraphe 1 : la fumarate hydratase catalyse l'addition d'eau sur la double liaison du fumarate qui est ainsi converti en malate. Le maléate chimiquement très proche du fumarate est reconnu au site actif de l'enzyme, peut s'y lier (perturbant ainsi la liaison du fumarate) mais n'est pas converti. Pouvant occuper le site actif à la place du substrat en un complexe non productif, il se comporte en inhibiteur compétitif.
On peut aussi trouver des effets d'inhibitions compétitives dans le cadre de milieux réactionnels avec plusieurs substrats en compétition. Ainsi, imaginons des cinétiques d'hydrolyse du substrat artificiel orthonitrophényl-β-galactoside (ONPG) par la β-galactosidase en orthonitrophénol (ONP)) qui absorbe à 420 nm. ONPG + H2O ---> galactose + ONP. On suit la cinétique d'apparition du produit ONP. Si on rajoute du llactose dans le milieu réactionnel, le lactose sera aussi hydrolysé sous catalyse par la β-galactosidase : lactose + H2O ---> glucose + galactose. Pour qui suit l'apparition de l'ONP, le lactose se lie à l'enzyme, en compétition de l'ONPG et le complexe n'est pas productif d'ONP (puisque productif de glucose + galactose). On aura expérimentalement un effet d'inhibition compétitive du lactose sur l'hydrolyse de l'ONPG.
Un inhibiteur incompétitif dégrade le k0 (il est diminué) mais modifie Km dans les mêmes proportions (il est amélioré !). ainsi la vitesse initiale est bien diminuée en présence de l'inhibiteur, le Vmax est diminué, mais l'efficacité E= k0/Km est inchangée.
Soit k0 et Km la constante catalytique et la constante de Michaelis en absence de l'inhibiteur. Soit k0-apparent et Kmapparent les valeurs en présence de l'inhibiteur.
Avec un inhibiteur incompétitif à effet dit linéaire, on montre que :
\( v_{i} = \cfrac{k_{0}}{\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} [E_{0}] \cfrac{[S]}{ \cfrac {K_{m}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} +[S]} \)Ou KI est la constante de dissociation du complexe ESI.
Ainsi on voit bien que le coefficient de Michaelis apparent est diminué (donc meilleur !), devenant :
\( K_{m~apparent}= \cfrac {K_{m}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} \)Et Vmax est diminuée car k0 est diminué, devenant :
\( k_{0~apparent} = \cfrac{k_{0}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} \)
Mais l'efficacité = \( \cfrac {k_{0~apparent}} {K_{m~apparent}}= constante \)
En double inverse, on obtient l'équation :
\( \cfrac{1}{v_{i}} = \cfrac{K_{m}}{V_{max}} \cfrac{1}{[S]}+\cfrac{1}{ \cfrac {V_{max}}{{\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)}}} \)----------------------------------------------
Si on résume, l'inhibiteur incompétitif se lie sur un site distinct de celui du substrat retenu comme variable mais ce site n'apparaît que si le substrat est lié. L'isocitrate lyase est une enzyme qui catalyse isocitrate (HOOC-CH2-C(COOH)H-C(OH)H-COOH) --> succinate (HOOC-CH2-CH2-COOH) + glyoxylate (HOOC-CH=O). L'itaconate H2C=(COOH)(CH2-COOH) inhibe les enzymes bactérienne en ne se fixant que sur le complexe enzyme isocitrate.
En fait on trouve des inhibitions incompétitives quand on étudie des réactions bi-bi type A+B --> P+Q. Par exemple, si le mécanisme est ordonné ping-pong, on peut montrer qu'un analogue de A se comportera en inhibiteur incompétitif de la réaction étudiée avec [B] variable et [A] paramétrique. Et réciproquement. (Voir aussi le chapitre Comportement michaélien et réactions à plusieurs substrats et produits, http://www.perrin33.com/enzym/autrescinetiq/pluriplurimichaelis_1.php).
Remarque. Le glyphosate (N-phosphométhyl-glycine, Roundup) est un herbicide célèbre ! C'est un inhibiteur réversible de la 5‐enolpyruvylshikimate‐3‐phosphate synthase (EPSP), une enzyme clé de la biosynthèse des acides aminés aromatiques chez les végétaux. L'EPSP catalyse : shikimate-3-phosphate (S3P) + phosphoénolpyruvate (PEP) ----> 5-énolpyruvyl-shikimate-3-phosphate + phosphate. Le mécanisme enzymatique est ordonné : S3P premier substrat lié puis PEP. Le glyphosate se comporte en inhibiteur incompétitif du 1° substrat fixé, le shikimate-3-phosphate et compétitif du 2° substrat lié phopshoénolpyruvate. Jolis graphiques dans l'article Boocock MR, Coggins JR. Kinetics of 5-enolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase inhibition by glyphosate. FEBS Lett. 1983 Apr 5;154(1):127-33. https://febs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1016/0014-5793%2883%2980888-6.
Une inhibition mixte possède une composante compétitive et une composante incompétitive, c'est à dire que l'inhibiteur se lie à l'enzyme qu'elle soit occupée ou pas par S.
Soit k0 et Km la constante catalytique et la constante de Michaelis en absence de l'inhibiteur. Soit k0-apparent et Kmapparent les valeurs en présence de l'inhibiteur.
Avec un inhibiteur mixte à effet dit linéaire, on montre que :
\( v_{i} = \cfrac{k_{0}}{\left(1+ \cfrac {[I]}{K'_{I}} \right)} [E_{0}] \cfrac{[S]}{ Km \cfrac {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K'_{I}} \right)} +[S]} \)Ou KI désigne la constante de dissociation du complexe EI et K'I la constante de dissociation du complexe ESI.
\( K_{m~apparent}= Km \cfrac {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K'_{I}} \right)} \)Si on est face au cas particulier Ki = KI, on se retrouve avec un Km indépendant de I (évident en regardant la formule ci-dessus). Certains auteurs parlent alors d'inhibition non compétitive pure.
Et Vmax est diminuée car k0 est diminué, devenant :
\( k_{0~apparent} = \cfrac{k_{0}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K'_{I}} \right)} \)\( \cfrac {k_{0~apparent}} {K_{m~apparent}}= \cfrac {k_{0}} {K_{m}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} \)
En double inverse, on obtient l'équation :
\( \cfrac{1}{v_{i}} = \cfrac{K_{m}}{V_{max}} {\left(1+ \cfrac {[I]}{K_{I}} \right)} \cfrac{1}{[S]}+\cfrac{1}{ \cfrac {V_{max}}{{\left(1+ \cfrac {[I]}{K'_{I}} \right)}}} \)----------------------------------------------
L'inhibition mixte est souvent appelée inhibition non compétitive dans beaucoup d'écrits même si c'est désapprouvé par l'IUBMB. Ce terme devrait être réservé à l'inhibition mixte qu'on a appelé ci-dessus inhibition non compétitive pure (quand Ki = KI). On peut d'ailleurs remarquer que tout se passe alors comme-ci de l'enzyme était "kidnapé" par l'inhibiteur sans rien modifier d'autre : Km inchangé, Vmax diminué. D'ailleurs, on peut reproduire facilement des effets "c'est comme de l'inhibition mixte non compétitive" pure avec de l'EDTA utilisé comme inhibiteur de réactions à enzymes à magnésium ou calcium. L'EDTA complexe les cations métalliques et prive ainsi une certaine portion d'enzyme de cations et donc d'activité. A méditer !
Le plus classiquement, en enzymologie, on va étudier la vitesse initiale d'une réaction en présence des substrats, de l'enzyme et en absence des produits de la réaction dans le milieu de réaction. Si la réaction est équilibrée, la vitesse initiale (celle quasi-constante en début de réaction pendant l'état quasi-stationnaire) est mesurée alors que la réaction retour est négligeable.
Examinons un modèle avec réaction équilibrée très simple à un substrat et un produit, il faut bien que le produit puisse se lier à l'enzyme (et même pour une réaction irréversible, le produit se forme au niveau du site actif) :
Si on regarde la vitesse initiale de S -> P et que - expérimentateur très joueur - on s'est amusé à mettre du P (en concentration non négligeable) dans le milieu réactionnel, P va pouvoir se lier à l'enzyme libre E pour former le complexe EP en concentration non négligeable. Et comme on regarde le sens S -> P, ce complexe n'est pas productif ! Conclusion : si on regarde la vitesse initiale de S -> P et qu'on a introduit du P dans le milieu réactionnel, on observe une vitesse initiale diminuée selon le modèle de l'inhibition compétitive.
Si on s'intéresse aux réactions enzymatiques à plusieurs susbtrats et plusieurs produits, on comprend que la situation simple ci-dessus se complique un peu ... Des enzymologistes, dont le fameux WW Cleland se sont attaqués à ce problème et ont montré que, selon la mécanique réactionnelle, les produits d'une réaction enzymatique, ajoutés au milieu réactionnel, vont conduire à une diminution de vitesse initiale selon un effet d'inhibition de type compétitif ou mixte. Si vous souhaitez en savoir un peu plus : voir "Comportement Michaélien et réactions à plusieurs substrats et produits"