Phosphorylation oxydative, Peter Mitchell, mécanisme chimio-osmotique de la phophorylation oxydative

Les termes scientifiques sont historiquement marqués : ils apparaissent quand la science est en train de se faire et leur sens se précise ou dérive peu à peu.

Ce paragraphe est destiné à des lecteurs qui aiment l'histoire des sciences et la façon dont de nombreux termes scientifiques sont forgés. Ou qui ont de la peine à s'endormir.

1. Le terme phophorylation oxydative (oxydative phophorylation)

C'est dans les années 1940 et les années 1950 que le rôle de monnaie énergétique de l'ATP a été peu à peu compris et qu'on a relié les phénomènes cellulaires respiratoires des cellules eucaryotes (au bilan, un substrat est oxydé contre le dioxygène qui est consommé) à la phophorylation de l'ADP en ATP.

Un terme scientifique avait été créé par les chercheurs alors que le rôle de l'ATP n'était pas connu, celui "d'aerobic phosphorylation" et il a évolué vers "oxydative phosphorylation" et à peu à peu pris le sens suivant. "Oxydative phosphorylation" = le processus global qui fait qu'un donneur d'électron est oxydé au niveau de la chaîne respiratoire membranaire mitochondriale contre du dioxygène comme accepteur terminal et qu'une partie de l'énergie libre ainsi disponible est couplée à la régénération de l'ATP à partir d'ADP et phosphate. Le terme de "oxydative phosphorylation" ne dit rien du mécanisme en jeu !

Aujourd'hui le sens de "oxydative phophorylation" a été généralisé à toutes les respirations, donc aux respirations bactériennes et quel que soit l'accepteur terminal des électrons. Donc la phophorylation oxydative désigne le processus global qui fait qu'un donneur d'électron est oxydé au niveau d'une chaîne respiratoire membranaire contre un accepteur terminal d'électrons et qu'une partie de l'énergie libre ainsi disponible est couplée à la régénération de l'ATP à partir d'ADP et phosphate.

2. Le terme de "mécanisme chimio-osmotique" (chemiosmotic mechanism)

C'est Peter Mitchell qui a élucidé le mécanisme de la phophorylation oxydative en proposant une mécanique en 2 étapes. Il propose un mécanisme qu'il qualifie de chimio-osmotique en 1961 dans le célèbre article " Coupling of Phosphorylation to Electron and Hydrogen Transfer by a Chemi-Osmotic type of Mechanism, Nature, Volume 191, Issue 4784, pp. 144-148 (1961). Voici comment Mitchell résume sa proposition en 1965 : "the chemiosmotic hypothesis, according to which electron transport and phosphorylation are coupled by the proton current flowing cyclically through the respiratory chain and reversible ATPase systems across the cristae membrane". Le propos est très clair, il nomme "chemiosmotic mechanism" une mécanique de la phosphorylation oxydative selon :

Mitchell a commenté lui même le terme "chemiosmotic" dans son article fondamental de 1961 : "I have called chemi-osmotic coupling because the driving force on a given chemical reaction can be due to the spatially directed chanelling of the diffusion of a chemical component group along a pathway specified in space by the physical organization of the system" [une membrane]. Pour la petite histoire Mitchell aurait créé le terme chemiosmotic vers 1957-1959 lors de travaux sur les transports et compartiments membranaires...

Pour le dire de façon plus actuelle, dans le terme "chemi-osmotic" de Mitchell, la composante "osmotic" fait référence à de l'énergie libre "stockée" sous forme de gradient électrochimique de part et d'autre d'une membrane et exploitable pour un couplage avec une réaction chimique. Si on peut se permettre une petite remarque, le "osmotic" n'est peut être pas ce qu'on a trouvé de mieux car il crée un risque de confusion chez les étudiants avec le phénomène d'osmose. Et d'osmose il n'y en a pas ! Mais Mitchell et l'histoire l'ont fait ainsi...

3. Couplages en tous genres, vocabulaire

Au niveau des chaînes respiratoires, on peut dire que l'énergie libre de réactions redox n'est pas perdue en chaleur mais convertie en gradient proton-moteur. En référence au "chemi-osmotic" de Michell on voit écrit qu'il s'agit d'un couplage chimio-osmotique. Peut-être serait-il plus pédagogique d'avoir en tête des équivalents plus explicites comme "couplage chimio-protonmoteur" ou couplage "redox-protonmoteur" ?

Au niveau des ATPsynthases membranaires, on peut dire que l'énergie libre du gradient proton-moteur n'est pas perdue en chaleur mais convertie pour permettre la création d'une liaison anhydride d'acide par ADP+Pi -> ATP. En référence au "chemi-osmotic" de Michell on voit écrit qu'il s'agit d'un couplage osmo-chimique. Peut-être serait-il plus pédagogique d'avoir en tête des équivalents plus explicites comme "couplage protonmoteur-chimique" ou couplage "protonmoteur-phophorylation" ?

Enfin, si on pense aux composés phophorylés à haut potentiel d'hydrolyse qui permettent de régénérer l'ATP à partir d'ADP par réaction de phophorylation au niveau du substrat. On trouvera parfois écrit dans la littérature biologique que le couplage énergétique est chimio-chimique. Soit, c'est noté ...

4. L'histoire n'est pas finie, ça ne "colle pas encore tout à fait"

"le mécanisme chimio-osmotique de Mitchell" comme actuellement décrit pour les étudiants est élégant. Des protons sont transloqués de part et d'autre de la membrane grâce à la chaîne respiratoire et conduisent ainsi au gradient-protonmoteur. Le retour des protons se fait par les ATPsynthases avec couplage énergétique à la régénération d'ATP. La science de 2021 montre que le "cheminement réel" des protons ne peut pas être aussi simple et n'est pas encore élucidé !! Les passionnés pourront lire Morelli AM, Ravera S, Calzia D, Panfoli I. An update of the chemiosmotic theory as suggested by possible proton currents inside the coupling membrane. Open Biol. 2019;9(4):180221. doi:10.1098/rsob.180221. A https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6501646/. La simple lecture de la figure 3 est déjà très intéressante.


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