Influence du pH sur les cinétiques enzymatiques, des effets réversibles et irréversibles
Les ions H3O+ et HO- (le pH) sont des effecteurs de l'aptitude catalytique des enzymes. Une variation de pH peut conduire en ce qui concerne l'aptitude catalytique d'une enzyme donnée
à 2 types d'effets :
- Des effets réversibles. Je dispose d'un standard de mesure d'activité catalytique dans un milieu de pH donné standardisé connu pour conduire à une bonne activité et une bonne stabilité de
l'enzyme. Je fais varier le pH, les propriétés cinétiques de l'enzyme sont modifiées par rapport au standard, mais si je reviens aux conditions du standard, les propriétés
d'origine au standard sont restaurées.
- Des effets irréversibles. Je dispose d'un standard de mesure d'activité catalytique dans un milieu de pH donné standardisé connu pour conduire à une bonne activité et une bonne stabilité de
l'enzyme. Je fais varier le pH (dans cette situation, on va explorer ce qu'on appelle les pH extrêmes pour l'enzyme), les propriétés cinétiques de l'enzyme sont modifiées par rapport au standard, on constate que l'enzyme s'inactive. Si je reviens aux conditions du standard, les propriétés
d'origine au standard ne sont pas restaurées.
Effets réversibles/irréversibles s'expliquent très simplement par le fait qu'aux pH extrêmes les enzymes perdent leur structure tridimensionnelle vers les formes être dénaturées et que la dénaturation est irréversible dans les conditions
habituelles de laboratoire. Évidemment, selon les enzymes les pH extrêmes seront plus ou moins acide et plus ou moins alcalins.
Dans la suite on s'intéresse aux effets du pH dans les zones de pH ou les effets sont réversibles et on verra les effets sur le coefficient catalytique (k0) et sur le coefficient de Michaelis (Km).
Résumée d'une autre façon, la situation d'une enzyme devant des variations de pH est la suivante :
- Les pH extrêmes dénaturent et inactivent de façon irréversible.
- La capacité à fixer le(s) substrat(s) est influencée (ou pas) par le pH. On verra cet effet sur la dépendance (ou pas) de Km au pH.
- La capacité à l'acte catalytique du complexe enzyme-substrat(s) est influencée (ou pas) par le pH. On verra cet effet sur la dépendance (ou pas) de k0 au pH (mais aussi sur Km)
- Le pH modifie l'état de protonation du substrat et donc l'enzyme ne "voit" pas le même substrat selon le pH. Et on voit les conséquences apparentes sur les paramètres cinétiques
(Km par exemple) observés).
Expérimentalement, il n'est pas si facile que ça de faire varier le seul paramètre pH d'un milieu réactionnel. En effet, dans un milieu réactionnel, le pH est déterminé
par un tampon réalisé avec un(des) couple(s) acide/base. Et ainsi, il faut se méfier d'effets pouvant être liés à des variations de composition des constituants des tampons
eux-mêmes si on désire explorer une large gamme de pH impliquant un changement des constituants des systèmes tampons.
Un exemple d'étude de stabilité au pH
Ci-dessous, quelques éléments montrant une étude de stabilité au pH d'une enzyme (effets réversibles ou irréversibles ?)
(Morley, Thomas J. et al.
"A New Sialidase Mechanism: BACTERIOPHAGE K1F ENDO-SIALIDASE IS AN INVERTING GLYCOSIDASE." The Journal of Biological Chemistry 284.26 (2009): 17404-17410).. Et on verra
qu'une étude de stabilité au pH implique de mentionner le temps de séjour aux différents pH testés. En effet, si la dénaturation va être très rapide aux pH très extrêmes, on va
trouver des pH frontières avec des effets dénaturants à évolution lente
L'enzyme étudiée ici est une endo-sialidase du bactériophage K1...
- On place des fractions aliquotes d'un stock d'enzyme à différents pH pendant 30 minutes. La fraction séjournant à pH 7 sera utilisée comme référence.
- Un volume ve de chaque fraction ayant séjourné 30 min à un pH donné est utilisé dans un mélange réactionnel standardisé (tampon, substrat, température...) et la vitesse
initiale de réaction est mesurée. Elle signe la concentration d'enzyme active.
Enzyme = bacteriophage K1 endosialidase = endoNF ; réaction = hydrolyse du substrat (Sia3-TFMU) qui est un trimère d'acide sialique acid lié par liaison osidique à l'aglycone trifluoromethylumbelliferyl ;
produit de réaction = trifluoromethylumbelliferyl libre (coumarine) qui absorbe à 380 nm.
[...]The trimer (Sia3-TFMU) is cleaved exclusively at the coumarin-sialoside bond, it was chosen as the substrate for further kinetic [...] analysis
by monitoring the release of free trifluoromethylumbelliferyl. [...] Kinetic analyses were performed at pH 4.5
(20 mm sodium phosphate/citrate buffer, 50 mm NaCl), monitoring the release of the free coumarin at 380 nm (ε = 1580 m-1 cm-1)
using a Varian Cary-4000 UV-visible spectrophotometer. [...] Enzyme stability assays were conducted by preincubation of aliquots
of EndoNF with the desired buffer (20 mm with 50 mm NaCl) for 30 min at 37 °C before being assayed (at pH 4.5) and compared against a standard incubated at pH 7.5
(20 mm Tris-HCl, 50 mm NaCl) for the same period.
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Il apparaît qu'en 30 minutes, l'enzyme est parfaitement stable au dessus de pH 5 et jusqu'à au moins pH 8. En dessous de pH 4, l'enzyme est totalement dénaturée en moins de
30 minutes. Entre pH 4 et 5, la stabilité de l'enzyme est médiocre, ainsi vers pH 4,5 la moitié de l'enzyme est dénaturée en 30 minutes.
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