Dans la classification, le taxon de base est l'espèce (species).
Ce taxon est relativement bien défini chez les espèces à reproduction sexuée.
L'espèce se définit alors comme une communauté d'êtres vivants naturellement interféconds
(capables de se reproduire entre eux) pouvant normalement échanger du matériel génétique par la reproduction sexuée
qui conduit à des descendants eux-mêmes normalement féconds.
Remarque : certains individus appartenant à un même
genre mais appartenant à des espèces différentes peuvent parfois se croiser pour donner un
individu hybride, mais celui-ci est généralement être stérile : c'est le cas entre le cheval et l'âne.
Remarque : On verra bientôt que la notion
d'espèce est difficile à définir chez les bactéries, organismes dépourvus des
mécanismes de reproduction sexuée.
Remarque : le concept d'espèce suppose de plus une propriété importante
qui est la transitivité des interfécondations possibles :
à savoir que si X1 est interfécond avec X2 et X2 interfécond avec X3 et X3 interfécond avec X4 et ...
alors X1 sera interfécond avec les différents Xn quelle que soit la longueur de la chaîne.
En réalité, cette propriété n'est pas toujours vraie puisqu'il faut bien
que des discontinuités existent pour qu'un
phénomène de spéciation commence à apparaître lui aussi (de telles discontinuités ont
été observées, par exemple, chez des oiseaux marins ...)
Remarque : On rappele que les espèces sont nommées selon le système binominal
mis en place par Linné. Un nom d'espèce est composé d'un nom de genre, en latin, suivi d'un qualificatif d'espèce,
aussi en latin.
Remarque : Voici une définition plus subtile du mot espèce que celle présentée ci-dessus et extraite du "Phylocode" de
l'International Society for Phylogenetic Nomenclature:"
species. A segment of a population-level lineage that is evolving separately from other such lineage segments as indicated
by one or more lines of evidence (e.g., distinguishability, reproductive isolation, monophyly, etc.)."
La définition classique d'une espèce biologique qu'on vient de présenter ci-dessus
n'est évidemment pas applicable aux procaryotes. Les bactériologistes ont dû élaborer
une définition originale de l'espèce. La voici (d'après J.P. Euzéby , publié sur l'ancien site web
http://www.bacterio.cict.fr (avant 2013)) :
"En bactériologie, une espèce est constituée par sa souche type
et par l'ensemble des souches considérées comme suffisamment proches de la souche type
pour être incluses au sein de la même espèce."
Personnellement, je pense que si
on se réfère à une approche phylogénétique de la systématique, on pourrait rajouter à cette définition que toute
espèce convenablement définie en taxonomie phylogénétique devrait respecter (au moins idéalement) (comme tout taxon) les deux conditions suivantes :
- (i) tous les individus d'une espèce descendent d'un ancêtre particulier ;
- (ii) tous les descendants de cet ancêtre particulier sont dans l'espèce.
Si on analyse la définition proposée, on voit qu'elle ne fait pas référence à des individus mais à des souches. Ce que nous allons éclaircir.
A la différence de ce qui se passe en biologie classique, où l'unité de travail est
l'individu : le chien Médor, le chien Mirza , le chien Toutou, la vache Marguerite,
le poisson rouge Riton ... En bactériologie,
on ne travaille que très très rarement avec les individus cellules, on travaille
avec des souches bactériennes. La souche est "l'unité" de travail du bactériologiste.
Une souche pure est constituée à l'aide des descendants (par succession de cultures)
d'une colonie préalablement parfaitement isolée (sur un milieu d'isolement).
Elle est généralement conservée dans les souchiers à très basse température (-196°C ) ou après cryodessication
ou sous forme de spores si celles ci existent ...
Note : Ainsi de façon très stricte, une souche n'est pas forcément un clone (un clone bactérien est une
population de cellules dérivée d'une unique cellule de départ. Sans dérive génétique,
toutes les bactéries d'un clone bactérien sont identiques entre elles et
identiques à la cellule mère).
Certains auteurs (éminents) assimilent souche pure et clone, ce que
je ne trouve personnellement pas très choquant. Il serait simplement agréable que les auteurs
éminents figent par consensus le vocabulaire de base ... Pour les puristes, je renvoie à l'analyse
du code de nomenclature 1990 (dans l'attente de la nouvelle version) :
ouvre un cadre vers la définition du terme souche (strain) de l'appendice 10 du code de nomenclature"
Remarque essentielle : La souche type est d'une importance fondamentale en systématique bactérienne puisqu'une espèce est constituée par la souche type et par l'ensemble des souches qui sont considérées comme suffisamment proches de la souche type pour être incluses dans cette espèce.
Il convient donc d'expliquer comment on définit le "suffisamment proches" (au moins de nos jours). Mais nous pensons que ceci exige 2 préalables : quelques notions concernant la classification phénotypique historique et quelques notions concernant les études phylogénétiques moléculaires. Ce sera le thème des paragraphes 3 et 4 qui suivent. On se retrouvera avec le "suffisamment proches" au paragraphe 5 ...