0. Cahiers des charges pour la conservation de souches


0.1 Objectifs


L'objectif de la conservation d'une souche est le suivant : dans le cadre de la durée de conservation souhaitée, maintenir la souche à conserver viable, disponible et à l'identique. En microbiologie, où on travaille avec des organismes unicellulaires conserver viable à l'identique, c'est conserver viable dans des conditions qui gardent le génome à l'identique.

La conservation doit évidemment exclure les contaminations.

Selon les cas, les durées de conservation souhaitées varient de quelques jours à plusieurs années et le choix d'une technique de conservation sera fortement influencé par ce paramètre de durée.

On verra dans la suite qu'on ne met pas forcément en oeuvre des techniques qui garantissent de façon absolue l'absence totale de toute modification du patrimoine génétique d'origine de la souche à conserver lors de la conservation. Il faudra alors vérifier qu'on a maintenu à l'identique un ensemble de caractères génétiques et/ou morphologiques et/ou physiologiques et/ou biochimiques qui caractérisent la souche pure à conserver et qui sont d'intérêt pour les utilisateurs de la souche (les caractères sont définis par l'utilisateur en fonction de la nature de son travail sur la souche à conserver).


0.2 Exemples de cahiers des charges de conservation


• Un exemple pour taxonomistes. La conservation des souches types dans un souchier de niveau international pour taxonomistes : il faut assurer une conservation pour une durée "infinie" et parfaite (génome et viabilité) des souches types.

• Un exemple en génie biologique. La conservation d'une souche sélectionnée et/ou obtenue par génie génétique pour une production en génie fermentaire (par exemple une souche destinée à la production industrielle d'un antibiotique ou d'une molécule à très haute valeur ajoutée ). Il s'agit au minimum de conserver absolument les caractéristiques d'intérêt biotechnologique pour tous les inoculums qui devront être gérés pendant la période d'exploitation de la souche. Et c'est assez délicat pour de telles souches qui ont tendance à dériver vers la sous-production. En effet, les cellules qui produisent le composé d'intérêt biotechnologique – composé qui n'a pour elles aucun intérêt si ce n'est de baisser leur rendement physiologique - sont en général moins prolifiques que les cellules qui ont perdu cette activité : la pression de sélection naturelle est favorable à la disparition des caractéristiques d'hyper-production mises au point. D'où l'intérét d'une conservation très au point ! et pour plusieurs années !

• Un exemple médical. La conservation d'une souche isolée sur un patient et transmise pour études complémentaires (typages moléculaire précis, études de réactions particulières vis à vis d'antibiotiques ...) et à conserver dans le cadre d'une enqête épidémiologique. Une conservation de courte durée sur quelques semaines ou quelques mois peut suffire. Mais on peut souhaiter aussi des conservations d'intérêt épidémiologique sur de très très longues années.


0.3 Les grands principes des différents procédés de conservation des souches


• Tout arrêter par les très basses températures : cryoconservation. L'idée est la suivante : en abaissant suffisamment la température on peut arrêter toutes les réactions chimiques et garder ainsi la soupe biologique en l'état. Y'aura qu'à réchauffer pour faire repartir. On verra qu'il y a un gros problème technique à surmonter : l'eau gèle aux basses températures et des phénomènes liés à la cristallisation de l'eau peuvent endommager les cellules aussi bien à la congélation qu'à la décongélation. Autre problème, conserver au froid est coûteux en énergie et en surveillance.

• Tout arrêter en supprimant l'eau solvant : dessiccations, cryodessiccations. Grosso modo : sans eau solvant, absence de réactions chimiques dans le vivant. D'où l'idée d'enlever l'eau solvant pour conserver et de la remettre pour revivifier. Pas toujours simple à réaliser : lors de la déshydratation on peut dénaturer beaucoup d'édifices macro moléculaires ... Il existe 2 grands procédés, les dessiccations pour lesquelles on fait passer l'eau de l'état liquide à gazeux et celles pour lesquels on congèle avant de déshydrater en faisant passer l'eau de l'état solide à gazeux (sublimation). Ces dernières sont dénommées cryodessiccation ou lyophilisation.

• La nature "a prévu" la conservation : formes naturelles spores ...A ce niveau de l'exposé citons les endospores chez les Bacillus (thermorésistantes à la chaleur humide en prime et si on y regarde de près ce sont des formes "sèches" un peu spéciales, la nature "a pensé" à la dessiccation) et les exospores des Streptomyces (pas de thermorésistance à la chaleur humide mais c'est quand même du solide sur de très longues durées).

• La souche se maintient sur un milieu de culture : les milieux de conservation. On fait végéter une souche sur un milieu de culture en la repiquant le moins souvent possible. Une méthode qui ne peut éviter les dérives génétiques et donc généralement à éviter ...